Mamfe, 29 octobre, 2019 / 11:52 PM
La crise anglophone qui se prolonge au Cameroun a fait payer un lourd tribut aux activités pastorales des églises locales, en particulier le diocèse de Mamfé, où l'évêque a dû prendre la douloureuse décision de fermer une douzaine de paroisses, a-t-il dit à ACI Afrique.
"Quand la crise a commencé, j'ai dû fermer 16 paroisses parce que tous les habitants de ces paroisses se sont enfuis et nous avons dû faire déplacer les prêtres pour leur propre sécurité ", a déclaré à ACI Afrique, Mgr Andrew Nkea Fuanya, évêque du diocèse de Mamfé.
"Dans l'une des paroisses, un de mes prêtres a été tué par balle ", a dit Mgr Nkea en référence à la mort du Père Cosmos Omboto Ondari, un missionnaire de Mill Hill tué le 21 novembre 2018, né au Kenya.
Bien que neuf des 16 paroisses aient récemment été rouvertes, l'évêque camerounais a révélé et ajouté que "la situation est encore très difficile".
Il a également dit que l'Église fait de son mieux pour que les personnes qui ont fui leurs maisons reviennent et a noté que ceux qui reviennent ne trouvent rien puisqu'ils ont tout perdu.
"Nous faisons en sorte que les gens aient un peu confiance en eux-mêmes et en la société ", a déclaré Mgr Nkea à ACI Afrique à Nairobi mercredi dernier, où il participait à la conférence continentale sur les traumatismes parmi le personnel ecclésiastique.
Le diocèse de Mamfé a aussi le défi pastoral de s'occuper du nombre important de personnes déplacées l'intérieur du pays (PDI) ainsi que de celles qui ont fui vers le Nigéria voisin comme réfugiés et qui dépendent toujours du soutien du Cameroun.
"Il y a beaucoup d'instabilité en ce qui concerne la population, beaucoup de gens se sont enfuis, certains sont partis au Nigéria comme réfugiés, d'autres se sont réfugiés dans la brousse", a dit Mgr Nkea.
"Les personnes déplacées sont nombreuses. Si vous allez au camp de réfugiés par exemple à Ogoja (une zone gouvernementale locale dans l'État de Cross River au Nigéria), il y a environ 5000 personnes ou plus," explique-t-il et se demande : "Comment pouvez-vous nourrir 5000 personnes chaque jour ?"
Il a raconté l'intervention de l'Église en disant : "Nous avons encore ces problèmes d'apporter de la nourriture aux différentes communautés et d'apporter des médicaments à ceux qui sont malades.
"Malgré les obstacles, malgré le danger pour notre propre vie, nous persévérons pour y rester comme un signe d'espérance pour le peuple", a-t-il dit et ajouté, "Si l'Église disparaît aussi, alors le peuple ne sera pas seulement comme des brebis sans berger, mais comme s'il avait perdu le dernier rayon de l'espérance qu'il avait".
Selon l'Unicef, plus de 80 % des écoles ont été fermées à cause de la crise anglophone, privant plus de 600 000 enfants d'accès à l'éducation.
Commentant le défi avec les écoles de son diocèse de Mamfé, Mgr Nkea affirme : "Je dirais que dans la ville de Mamfé mes écoles fonctionnent. Mon école primaire Saint-Joseph a plus de 500 enfants, bien que ce ne soit pas facile ; les garçons (les combattants séparatistes) nous menacent tous les jours de fermer l'école, mais nous ne pouvons pas, nous devons continuer".
«Les enfants ne peuvent pas aller à l’école depuis trois ans. C’est la quatrième année et nous ne parlons toujours pas d’école», a-t-il déclaré, évoquant les efforts déployés pour maintenir les enfants à l’école. «Dans certaines zones où les routes sont complètement bloquées, Les écoles sont toutes fermées.
Soulignant le défi de l'insécurité et son impact sur le ministère de l'Église locale, Mgr Nkea a dit : "Depuis deux ans maintenant, je ne fais plus de visites pastorales régulières. J'avais l'habitude de faire le tour des paroisses, mais maintenant à cause de l'insécurité, certaines routes sont complètement bloquées, certains ponts ont été coupés."
Face à ces défis, le Prélat a dit que l'Église " avait besoin d'un changement de stratégie pour apporter l'Évangile au peuple ".
"Grâce à Dieu, j'ai une radio diocésaine (Radio Evangelium) et je fais beaucoup d'évangélisation à la radio", a révélé l'évêque.
"Quand je dis la messe dans la cathédrale, c'est toujours (diffusé) en direct, et après cela, le message sera rediffusé encore et encore pendant presque une semaine pour qu'il aille partout ", a raconté Mgr Nkea à ACI Afrique.
"Je pense que beaucoup de gens ont apprécié la radio et l'évangélisation que nous faisons à travers elle", a-t-il ajouté.
Le diocèse de Mamfé organise également des sessions de prière, des catéchèses et des activités pastorales dans le centre du diocèse, là où il y a plus de sécurité.
"Il y a même des gens qui viennent de la brousse, qui assistent à ces activités pendant deux ou trois jours et qui y retournent ", a raconté l'évêque.
L'Église catholique de Mamfé a également lancé une initiative financière baptisée "Una Familia Microfinance", qui vise à réduire la pauvreté et à assurer le redressement économique de la population.
L'évêque a retracé la décision de lancer l'initiative à une réunion diocésaine en disant : " J'ai parlé avec mon Conseil (financier) et nous avons parlé avec notre peuple et décidé de lancer cette initiative financière qui est une source d'aide à la relance économique ".
"Presque toutes les banques de Mamfé sont fermées, a-t-il ajouté.
(L'histoire continue ci-dessous)
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"Nous avons lancé cette institution de micro finance pour que les gens puissent avoir accès à une sorte d'argent liquide qui les aidera à redémarrer leur vie ", a dit Mgr Nkea, avant d’ajouter « beaucoup d'entre eux ont tout perdu. Si nous demandons aux gens de revenir, nous devons mettre en place des programmes qui les aideront à recommencer leur vie."
"Nous espérons que la guerre se terminera bientôt. Les choses s'améliorent déjà un peu à certains endroits ", conclut Mgr Nkea.
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